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extrait : cyberbtp.com
Ascenseurs : un décret trop beau pour être sincère ?
Au-delà de l’intention louable de moderniser et sécuriser les 403.000 ascenseurs en activité en France, les interrogations fusent concernant le décret publié en septembre dernier. Si les ascensoristes clament leur volonté d’embaucher en nombre, la réalité semble plus nuancée. Explications.
Le décret publié le 9 septembre dernier (décret d’application de la loi Robien sur la sécurité des ascenseurs) impose la modernisation progressive des ascenseurs français qui sont, pour cause de vétusté ou mauvais entretien, responsables chaque année de 200 accidents graves. Ce décret, selon Marc-Philippe Daubresse, le secrétaire d'État au Logement, vise à placer la France «au premier rang des pays d'Europe en matière de sécurité et de prévention des accidents». (Lire à ce sujet nos articles ‘Un décret pour prévenir les accidents d’ascenseurs’ et ‘Le décret sur les ascenseurs va entraîner des embauches’).

Intention louable certes. Mais, pour paraphraser notre confrère des Echos (édition du 30/09/04), ce décret suscite de nombreuses interrogations. La première concerne le sentiment d’un «cadeau» fait aux ascensoristes. En effet, la modernisation et rénovation telles qu’elles sont décrites par le décret se chiffrent à quatre milliards d’euros d’ici 2018. «L’avenir des ascensoristes s’annonce sous les meilleurs auspices», ironise la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV). Ce que les intéressés ne démentent pas, affichant au contraire leur volonté «d’aller vite» et d’embaucher «800 jeunes par an». Ainsi, voilà un marché captif - les propriétaires - tenu désormais de débourser 4 milliards d’euros à cause de l’émoi provoqué – à juste titre sans doute – par dix morts par an sur 60 millions de trajets au profit de quelques groupes pour partie responsables, par défaut de maintenance, du moins selon des syndicats du secteur, de la vétusté du parc. Pour comparaison, les accidents domestiques font à eux seuls plus de 10.000 victimes en France chaque année.

Autre interrogation, la liste des 17 risques majeurs identifiés qui devront être ‘sécurisés’ ne lassent pas de surprendre par son ampleur. «Les experts ont parfois confondu sécurité et confort, et parfois surestimé les problèmes ; ainsi, empêcher tout contact avec une porte qui se referme relève du confort ; obliger à mettre en place des ‘parachutes’ en montée pour éviter les effets de la survitesse, dans ce sens, est tout à fait excessif», estime pour sa part l’Union nationale des responsables de copropriété. Laquelle s’inquiète par ailleurs du transfert de responsabilité de la sécurité du personnel d’entretien. En effet, alors que cette responsabilité incombait jusqu’à présent aux ascensoristes, d’ici neuf ans elle sera transférée aux propriétaires. Ce n’est pas un détail.

Autre aspect, les annonces généreuses de l’embauche de «800 jeunes par an» ont de quoi laisser rêveur Robert Pelletier, responsable de la Coordination Ascenseurs FTM-CGT. «On ne voit pas d’effort d’embauche significatif», dit-il. Or, au-delà même de l’embauche nécessaire pour assurer cette activité nouvelle, il remarque que ce secteur, comme les autres, est frappé par le papy boom. «Nous-mêmes sommes en porte-à-faux ; là où il y a 150 ascenseurs à traiter, nous n’avons le temps de n’en faire que 50 ou 60. Pour couvrir les besoins, les grands groupes (le secteur est partagé entre une multitude de PME et quatre groupes internationaux que sont Koné, Otis, Schindler et ThyssenKrupp. NdR) vont continuer à engager des sous-traitants où l’on va demander au boucher et au charcutier de donner un coup de main».

Une caricature ? A peine. Selon Robert Pelletier, l’installation et la maintenance des ascenseurs sont des activités très techniques, avec beaucoup de spécificités, en terme de sécurité justement. «Il faut au moins un an pour former quelqu’un qui a déjà au départ une bonne formation en maintenance ou électromécanique», explique-t-il. Or, le métier reste dangereux et aujourd’hui, à bagage égal, un jeune gagne plus à dépanner des photocopieuses ou des ordinateurs. «Les gars sont formés en interne, plus ou moins bien, un peu de compagnonnage et ils se démerdent», assure le syndicaliste. Un service que les propriétaires vont donc devoir payer de plus en plus cher tout en devant à terme porter la responsabilité de la sécurité de techniciens dont la formation sera, au mieux, aléatoire.

Enfin, si le parc français est particulièrement vétuste, ce n’est pas tout à fait par hasard selon le responsable syndical. «Imputer aux propriétaires le défaut de maintenance, c’est un peu fort de café», s’insurge-t-il. Et pourquoi le coût – le décret est particulièrement flou à ce sujet - est-il si inégalement réparti ? Il pointe par ailleurs le sous-équipement systématique ou presque des immeubles d’habitations. «Un ascenseur de bureau est beaucoup plus employé et pourtant beaucoup moins dégradé qu’un ascenseur d’habitation ; il n’y a pas de problèmes à La Défense», remarque-t-il. «Le vandalisme a bon dos… En plus, le vandalisme apparaît quand l’ascenseur ne marche pas».

Bref, sous couvert de l’émotion légitime liée aux accidents d’ascenseurs – à noter à ce sujet que quand des professionnels meurent, les média s’y intéressent peu – voilà un décret qui, effectivement, suscite bien des interrogations.
Ecrit par sid vicious, le Samedi 26 Mai 2007, 18:55 dans la rubrique gzo.